Les étoiles doubles visuelles
Parmi les différents types d'étoiles doubles, ce sont les plus facilement observables et les premières à avoir été mesurées. Elles sont à l'origine de la découverte de l'existence même des couples physiques. Dès l'antiquité, l'apparente duplicité de Mizar et Alcor (12') de la Grande Ourse ou du couple υ1 et υ2 du Sagittaire (14') est connue.
La première double visuelle aperçue à la lunette astronomique est, selon les sources, attribuée à Benedetto Castelli (1578-1643) en 1617 ou à Giovanni Baptista Riccioli (1598-1671) en 1650. Il s'agit du compagnon de Mizar à 12'' de séparation. Au gré des observations, d'autres couples seront aperçus. Un premier relevé est réalisé par Christian Mayer (1719-1783) en 1777 où il compte 90 étoiles doubles visuelles.
À cette époque, on se demande si cette duplicité est liée uniquement au hasard. William Herschell (1738-1822) lève le doute une fois pour toutes en 1803 en montrant notamment que l'étoile Castor de la constellation des Gémeaux est bien un couple orbital. Wilhelm Struve (1793-1864), puis son fils Otto (1819-1905) effectuent les premières recherches systématiques à partir de 1824. Le polytechnicien Félix Savary (1797-1841) détermine la première orbite, celle de ξ UMa (Grande Ourse) en 1827. Elle est publiée dans « La connaissance des temps » du Bureau des longitudes de 1830. Les découvertes et les mesures ne cesseront plus de s'accumuler.
En janvier 2020, près de 150 000 couples ont été recensés dans le catalogue du Washington Double Star (WDS) de US Naval Observatory. Ce catalogue contient près de 1 930 000 mesures. 23 500 étoiles doubles du WDS sont réellement des couples physiques (binaires), 4900 s'avèrent être des doubles purement visuelles. On les appelle couples optiques. Parmi ces 23500 étoiles binaires, le 6ème Catalog of Orbits of Visual Binary Stars recense seulement 2560 systèmes dont une orbite apparente a pu être calculée.
Le reste des étoiles recensées dans le WDS (126 500) est encore à déterminer. On ne sait pas encore s'il s'agit de couples optiques ou de binaires physiques. Elles correspondent à des étoiles doubles peu lumineuses et/ou de grande séparation. On doit poursuivre leur observation afin de confirmer ou d'infirmer leur duplicité.
Statistiquement, à séparation donnée, plus l'éclat des étoiles diminue, plus la probabilité de trouver dans une gamme de magnitude des binaires est faible, surtout si vous inspectez un champ d'étoiles bien fourni de la Voie lactée. Cependant, la probabilité augmente dans la direction des pôles galactiques où la densité d'étoiles est plus faible. On passe quasiment du simple au double pour un champ stellaire allant jusqu'à la magnitude 20 entre le centre galactique et les pôles.
Pour les étoiles doubles visuelles, l'observateur « voit » l'étoile secondaire faire le tour de l'étoile principale. Cette révolution s'effectue en quelques dizaines d'années pour les plus rapides à plusieurs siècles. C'est l'orbite apparente et relative vue depuis la Terre.
Apparente car cette orbite visuelle est la projection sur le plan du ciel perpendiculaire à la ligne de visée de l'observateur. Relative car en réalité les deux composantes se déplacent autour du centre de gravité (ou centre de masse) du système.
Orbite apparente et relative de l'étoiles J194
(la 194ème étoile double découverte par Robert Jonckheere)
C'est par l'intermédiaire de la troisième loi de Kepler, améliorée par Newton qu'il est possible d'accéder à la masse des étoiles :
- a (= a1+a2) est le demi grand axe de l'orbite apparente
- p est la période de révolution
- G la constante de la gravitation
- M1 et M2 les masses des deux composantes.
On peut déterminer a et p par le calcul de l'orbite et la connaissance de la distance du couple par rapport à la Terre (afin de connaître la dimension réelle de a). Il faut donc connaître la parallaxe de l'étoile double : ω
Si a et ω sont exprimés en seconde de degré, p en années, M1 et M2 en masse solaire, on peut avoir accès à la masse totale du système par :
Sans autre information, on ne peut qu'en rester là …
Heureusement d'autres moyens d'observations peuvent nous aider à aller plus loin. Certaines binaires visuelles peuvent aussi être d'un autre type et notamment être des binaires astrométriques ou spectroscopiques. On obtient alors le rapport des masses de deux composantes ce qui permet de déterminer les masses M1 et M2 individuellement.